Sous le pseudonyme d’Alcofribas Nasier, une anagramme de son propre nom, François Rabelais critique et parodie les romans de chevalerie tout en véhiculant des idéaux humanistes de la Renaissance. Toutefois, derrière cette façade se cachent des symboles plus anciens, issus de la pensée alchimique, où la quête intérieure et la transformation spirituelle tiennent une place importante.
Pantagruel : une quête symbolique
Le roman Pantagruel, ou Les horribles et épouvantables faits et prouesses du Très Renommé Pantagruel Roi des Dipsodes, publié en 1532, est l'une des premières œuvres de Rabelais. Les Dipsodes, un peuple fictif dont le nom provient du grec "dípsa" (soif), symbolisent l’insatiable quête humaine. Ce récit, où le géant Pantagruel est au cœur d'aventures extraordinaires, dissimule des allégories philosophiques et spirituelles.
Les géants comme Gargantua et Grandgousier ont des noms qui commencent par la lettre "G", symbole de la spirale, lettre qui dans l'alchimie représente à la fois la quête intérieure et l’idée de transformation.
La stature des géants indique non seulement une force physique surhunaine, mais aussi la grandeur spirituelle. Ces géants ne sont pas simplement des personnages grotesques : ils symbolisent des chercheurs, en quête de vérité.
La Dive Bouteille : l’alchimie du vin
L’un des épisodes les plus célèbres des aventures de Pantagruel est la quête de la Dive Bouteille. Bien qu’elle semble être une simple quête comique, elle représente en réalité une quête alchimique. Le vin contenu dans la bouteille, tout comme en alchimie, symbolise la transformation spirituelle.
Le vin, fruit de la fermentation, est ici une métaphore de la transmutation intérieure, où la sagesse divine, ou quintessence, devient accessible à ceux qui cherchent à transcender la matière.
Le chiffre 5 et la quintessence
Le passage de Gargantua à Pantagruel met en lumière le symbolisme du chiffre cinq. Le nom "Pantagruel", issu de "Penta", signifie cinq, représentant la quintessence, le cinquième élément en alchimie qui transcende la Terre, l’Air, l’Eau et le Feu : l'Ether. Il est à noté que ce 5ème élément tient une place à part dans l'ésotérisme alchimique. D'aucuns affirment que certaines civilisations disparues savaient le manipuler...
Aisni Pantagruel devient l’héritier d’une quête spirituelle visant à accomplir la transmutation ultime : la quête de l'essence divine au-delà des éléments matériels.
L’île de la Quintessence et la Reine de Lanternois
Dans le cinquième livre de Pantagruel, l'épisode de l’île de la quintessence est central pour comprendre l’évolution symbolique du héros. Sur cette île mystérieuse, Pantagruel atteint une forme de vérité ultime, guidé par la Reine de Lanternois, une figure de lumière spirituelle. Son rôle est celui d’un guide initiatique, conduisant Pantagruel vers la compréhension de la quintessence, l’essence cachée derrière les apparences matérielles.
La fontaine à sept côtés et les métaux alchimiques
Un autre symbole alchimique majeur est la fontaine à sept côtés que Pantagruel découvre dans un temple souterrain. Le nombre sept est essentiel en alchimie, renvoyant aux sept métaux et planètes classiques (plomb, étain, fer, cuivre, mercure, argent et or). Ces métaux symbolisent des étapes du processus de purification alchimique, menant à la perfection spirituelle symbolisée par l’or.
L'abbaye de Thélème : un manifeste spirituel
Enfin, l’abbaye de Thélème, avec son célèbre précepte "Fais ce que voudras", peut être interprétée dans une perspective alchimique. Loin d’être un simple appel à l’anarchie, elle suggère l’idée que la vraie liberté réside dans la volonté spirituelle, où chacun suit son propre chemin de transformation intérieure.
Ainsi, Rabelais, souvent perçu comme un simple auteur satirique, introduit en réalité en seconde lecture, une série de concepts alchimiques dans ses écrits, particulièrement dans Gargantua et Pantagruel.
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